| Rabbi Eliezer Shemtov
| L'une des fêtes juives les plus célébrées est sans aucun doute Pessa'h.
Cela fait 3 335 ans que ceux qui ont quitté l'Égypte et leurs descendants célèbrent cet événement autour de la table du Séder, mangeant de la Matsa et du Maror, buvant du vin, lisant et chantant les passages de la Haggada qui racontent l’histoire de la sortie d’Egypte et sa signification.
Cette fête est célébrée avec une rigueur plus ou moins religieuse.
Mis à part ceux qui célèbrent Pessa’h parce que D.ieu nous a ordonné de respecter Sa Torah, certains voient la Matsa comme rien de plus qu’un symbole culturel, représentant la nourriture que les Israélites ont mangé lorsqu'ils quittèrent l'Égypte à la hâte et qu’ils n’eurent pas assez de temps pour que la pâte lève. Cette raison est d’ailleurs celle donnée dans la Torah. (Toutefois, la même Torah nous dit aussi que D.ieu a ordonné aux Israelites de manger la Matsa en préparation à la sortie d’Egypte…)
Pour d’autres, Pessa’h est simplement une occasion de se réunir en famille, pour se tenir au courant de l'actualité familiale, échanger des recettes et des expériences.
Et puis il y a ceux qui voient le Séder de Pessa’h comme une célébration de la liberté humaine, au-delà de tout aspect particulièrement juif.
Il y a probablement autant de manières de comprendre et de célébrer le Séder de Pessa'h qu'il y a de personnes qui le célèbrent...
Je voudrais partager avec vous mon point de vue personnel.
L'homme est un composé de corps et d'âme, de lest et de flottabilité. Notre temps est divisé en jours, en moments où nous faisons le plein de carburant et en d'autres où nous le dépensons.
Pendant les vacances, par exemple, on se recharge pour pouvoir travailler jusqu'à la prochaine pause.
Au cours de l'année, nous générons de l'argent afin d'avoir de quoi dépenser en vacances. Nous nous arrêtons dans une station-service afin de réapprovisionner différents besoins : carburant, eau, huile, air.
Il en est de même sur le plan spirituel. Notre calendrier a des dates précises durant lesquelles nous faisons le plein des différentes provisions nécessaires pour parcourir le chemin de la vie. À Pessa’h, nous rechargeons l'énergie de la liberté. Accomplir pleinement sa mission de vie, demande d’être libre.
Ainsi, à Pessa’h, nous nous souvenons non seulement du fait qu'il y a des milliers d'années, nos ancêtres ont été libérés de la tyrannie de Pharaon, mais nous essayons également de nous libérer de la domination d'un tyran encore plus grand et plus cruel que Pharaon. Regardez dans le miroir pour le découvrir...
En effet, nous-mêmes avons la capacité, et souvent la tendance, de nous torturer et de nous asservir nous comme personne d'autre ne le peut.
L'orgueil, la paresse, la colère et l'envie ne sont que quelques-uns des nombreux outils que nous utilisons pour nous asservir.
Le soir du Séder, nous sommes censés nous concentrer principalement sur notre propre « Égypte » et « Pharaon » intérieurs, les évaluer et travailler pour nous libérer de leurs emprises.
Quels sont les outils les plus efficaces pour se libérer de nous-mêmes afin d'être nous-mêmes ?
De toute évidence, il y en a beaucoup. Les principaux d'entre eux sont cependant : la Matsa, le Maror et les quatre coupes de vin.
Matsa : La Matsa est faite de farine et d'eau d'une manière qui ne lui permet pas de lever, contrairement au pain classique ou au ‘Hametz. La Matsa représente l'humilité. La véritable liberté personnelle est atteinte en nous libérant de notre ego plutôt qu'en le défendant et en l'élargissant. Celui qui s'accroche à son ego, basant souvent les faits sur ses opinions, ne se libérera jamais de ses propres limitations tyranniques. 1) Il ne reconnaîtra pas ses fautes, 2) Il attribuera le blâme aux autres ou, 3) S'il est prouvé coupable, il ignorera simplement le fait et dira « et alors ? ». Le résultat ? Sa situation ira de mal en pis.
La première étape nécessaire pour atteindre la vraie liberté est de reconnaître ses limites personnelles et d'être prêt à les surmonter.
La Matsa ne doit rien contenir qui ajoute du goût à la farine et à l'eau. En plus de représenter l'humilité, la Matsa représente également une discipline insipide. Pour être prêt à accomplir les étapes nécessaires pour atteindre la liberté, il faut être prêt à se soumettre à la discipline, à faire ce qui est nécessaire même si cela ne cause aucun plaisir et que c'est très difficile.
Mais la discipline n'est que la première étape. Il ne suffit pas de faire les choses simplement par discipline. Il faut aussi faire l'expérience du « vin » : profiter des goûts variés et sophistiqués que le processus offre.
Lorsque D.ieu a offert la Torah au peuple juif, ils ont dit Naasé Vénichma, « Nous accomplirons et nous comprendrons ». Les deux choses sont nécessaires et dans cet ordre : Naasé, accomplir par la discipline et Nichma, apprécier et profiter.
Maror : Les herbes amères de la table du Séder nous enseignent l'importance et le rôle que joue la douleur dans le processus de liberté. Quand on ressent de la douleur, c'est bon signe. C’est assez inquiétant de marcher sur un morceau de verre et de ne ressentir aucune douleur... La douleur nous alarme et nous pousse à agir pour traiter sa cause.
Pessa'h est pour moi aussi la fête des « connexions ». Tous les préceptes et les traditions liés à Pessa'h nous aident à nous connecter avec D.ieu, avec notre famille, nos semblables, avec notre passé, notre avenir et avec notre propre essence. À Pessa'h, nous nous connectons avec notre Néchama – l’âme divine - nous l'activons et lui permettons de s'exprimer plus pleinement, même si c'est seulement pour un temps, avec l'espoir qu'elle continuera à nous inspirer longtemps après que nous ayons conclu le programme formel du Séder.
Sur une note personnelle, toutes les préparations de Pessah dans l'intérêt de servir la communauté, telles que l'importation de la Matsa Chmoura, la préparation et la distribution du Guide de Pessa'h et du magazine Kesher qui atteignent des milliers de foyers, la promotion et le traitement de la vente de ‘Hamets, et tant d'autres détails visant à faciliter et à motiver la célébration de Pessa’h au niveau communautaire, familial et personnel, culminent - quand cela est possible - avec la présence de nos chers enfants et petits-enfants à la table du Séder, renforçant d’autant plus la présence et l'impact de ces jours saints sur ma vie.
Chaque année, je parviens plus ou moins à sortir de mon Egypte personnelle et à aider les autres à se libérer de la leur. Et chaque année, de plus en plus de collègues font la même chose que moi dans leurs communautés respectives partout dans le monde. Je suis certain que cet effort concerté nous aide à nous rapprocher de plus en plus du jour où nous atteindrons la masse critique nécessaire pour sortir de l'exil collectif dans lequel nous nous trouvons tous, non seulement physiquement, mais aussi spirituellement et véritablement.
N'oubliez pas : chaque jour qui passe où Machia'h n'est pas là signifie qu'un jour de moins nous sépare de son arrivée.
Léchana haba'ah biyérouchalaïm !
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